La suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu affaiblit la progressivité: vite, une réforme fiscale!

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 Compenser l’annulation par le conseil d’Etat de la baisse des cotisations salariales prévues ? Baisser l’impôt de Mme Bettencourt ou démanteler l’IR ?

Une meilleure solution, la réforme fiscale promise lors des présidentielles avec la CSG progressive

 impot

Les citoyens ont besoin de clarté. Ils se méfient des annonces qui s’accumulent et finalement s’annulent, des effets de communication qui présentent sous des formes différentes les mêmes mesures.

Les indications qui sont actuellement communiquées annoncent la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu pour 2015, ce qui devrait concerner 9 Millions de ménages et coûter 3 Milliards d’Euros à l’Etat.

Rien de nouveau sous le soleil : Il semble que cette mesure vienne en remplacement de la baisse des cotisations salariales promises aux salariés proches du SMIC, invalidée cet été par le conseil constitutionnel. La mesure prévue à partir du 1er janvier 2015, concernait 5,2 millions de salariés et 2,2 millions de fonctionnaires (7,5 millions de personnes), pour un coût de 2,5 milliards d’euros. On est donc dans une épure légèrement différente, pour un montant global comparable.

IL ne s’agit donc pas réellement d’une mesure nouvelle, mais grosso modo de la  compensation des allègements de cotisations salariales déjà programmées, légèrement améliorée.


  Le risque est de réduire la progressivité de l’impôt et ne pas garantir la justice fiscale
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Supprimer purement et simplement la première tranche d’imposition, entre environ 6 000€ de revenus déclarés par an (et par part fiscale) et environ 12 000€ reviendrait non seulement à exonérer de l’impôt sur le revenu les foyers fiscaux de cette catégorie mais aussi à accorder une baisse d’IR de 330€ à tous les foyers soumis à un taux marginal plus élevé que celui de cette première tranche. En effet, elles économiseront 6 000€ X 5,5% (taux applicable entre 6 011€ et 11 991€), soit donc 330 €, et ceci que les intéressés gagnent 20 000€, 200 000€ ou 2 millions d’euros par an. 330€ : voilà un cadeau fiscal que Mme Bettencourt n’attendait sûrement pas.

Pour éviter un tel effet d’aubaine, il est possible de limiter cet avantage aux foyers aujourd’hui imposés à cette première tranche, mais c’est au prix de la dénaturation de l’IR, dont le système de taxation à taux marginal croissant par tranches serait gravement remis en cause. Ainsi, on créerait  un énorme effet de seuil, au moment de l’« entrée » dans le barème de l’IR (puisqu’on ne paierait plus seulement de l’IR sur la part du revenu qui dépasse le seuil mais à partir d’un montant inférieur). Cette option pénalise les ménages dont les revenus se situent juste au-dessus, alors qu’ils sont encore de condition modeste.

En tout état de cause, les foyers aujourd’hui non-imposables ne bénéficieront par définition pas du tout de cette mesure. Ceci concerne à peu près la moitié d’entre eux, ce qui signifie qu’une bonne partie de ceux qu’on appelle improprement la « classe moyenne » se trouve dans cette situation. Une bonne part de ceux-ci aurait touché l’allègement de cotisations salariales.

Entre ces deux catégories, un grand nombre de ménages aujourd’hui imposés n’en profiteront que partiellement, parce que leurs revenus ne sont pas assez élevés pour bénéficier de la non-imposition de l’ensemble de la première tranche de revenus. En pratique, le seuil en-deçà duquel le gain n’est que partiel appelle un calcul compliqué car il faut prendre en compte, en plus du barème, les mécanismes de la décote et du minimum de perception. De fait, déjà aujourd’hui, on ne paye pas 330€ quand on déclare 12 000€ par part. Il n’en reste pas moins que de nombreux ménages appartenant à la classe moyenne, qui payent de l’IR, enregistreront un gain inférieur à 330€.

Ce type d’initiative, outre qu’elle apparaît bien hasardeuse, consacre un renoncement à l’objectif de progressivité, qui veut que l’on demande proportionnellement plus à ceux qui ont plus. Sous prétexte d’aider la classe moyenne, on tend à réduire le caractère redistributif de notre système fiscal, en faisant de l’IR une sorte de bouc-émissaire et en réduisant sa place dans notre système fiscal. Comme si l’idéal était l’impôt proportionnel, à l’image de la CSG actuelle, ou même dégressif avec le revenu, à l’exemple de la TVA !

Cette stratégie de réduction des tranches de l’IR a déjà été amorcée sous la droite.

L’abandon programmé des engagements de François Hollande sur la réforme fiscale.

Ces choix qui dans un premier élan peuvent paraitre sociaux et de gauche, qui ont l’avantage d’une communication simple, consacrent en réalité l’abandon de deux ambitions majeures de la gauche : la progressivité de l’impôt et une réforme globale au service de la justice fiscale. Interrogé sur ce dernier point, le premier ministre continue à tenter de discréditer tous les fondamentaux de la gauche en indiquant qu’il ne souhaitait pas engager cette réforme parce qu’il ne souhaitait pas augmenter les impôts relayant les propos de Pierre Moscovici sur le ras le bol fiscal.

Mais qu’on soit clair, pour nous la réforme fiscale doit mieux répartir le versement des impôts, mais pas nécessairement accroitre les prélèvements; D’ailleurs, nous avons dénoncé et refusé l’augmentation de TVA et plaidé pour un soutien au pouvoir d’achat des couches populaires. Manuel Valls entretient un vieux poncif de la droite selon lequel la gauche c’est toujours plus d’impôt. Pour nous aujourd’hui c’est moins d’impôts pour bon nombre de nos concitoyens, pour les PME mais pas des aubaines fiscales pour les plus aisés et les entreprises qui n’en ont pas besoin.

Au lieu de ces meurettes successives, revenons-en aux engagements pris devant les Français par François Hollande : engagement 14

« Je veux engager une grande réforme fiscale. La contribution de chacun sera rendue plus équitable par une grande réforme permettant la fusion à terme de l’impôt sur le revenu et de la CSG dans le cadre d’un prélèvement simplifié sur le revenu (PSR). Une part de cet impôt sera affectée aux organismes de sécurité sociale. Les revenus du capital seront imposés comme ceux du travail. »

Pour une CSG progressive

La première étape peut être la mise en place d’une CSG progressive sur les revenus du travail et du capital, comme c’est déjà le cas pour les retraités (en vue, à terme, d’une fusion de l’IR et de la CSG). Elle renforcerait le caractère redistributif de notre système de prélèvements obligatoires et améliorerait le pouvoir d’achat des classes populaires et moyennes, sans induire d’effet d’aubaine pour les classes favorisées, mais au contraire en mettant ces dernières davantage à contribution. Le barème que nous proposons se traduirait par un gain mensuel de 76€ pour un couple payé au SMIC avec deux enfants. 50% des Français verraient leur CSG baisser, elle n’augmenterait que pour les 30% les plus aisés. Cela pèserait donc moins sur les déficits publics.

Si l’on veut aider les classes modestes et moyennes, c’est ainsi qu’il faut faire !

Merci à Daniel Vasseur pour la mobilisation de ses compétences à nous permettre de déchiffrer des mesures compliquées.

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