Hommage à Claude Dilain

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dilainNous avons été nombreux à ressentir une très grande peine et un immense vide à l’annonce du décès de Claude. J’avais rapidement dans ces messages si courts lancé quelques mots sur twitter : «Quelle peine à l’annonce du décès de Claude Dilain, un humaniste généreux, un maire engagé et courageux, un vrai militant du logement pour tous.»
J’avais aussi envie de témoigner de son apport décisif au Sénat lors de l’examen de la loi ALUR, qu’il défendait toujours en dépit des pressions pour sa remise en cause. Il avait été décisif pour que soient trouvées des solutions pour traiter les copropriétés dégradées. Sa nomination à la présidence de l’ANAH ouvrait une nouvelle étape. Car il fallait désormais réussir le passage à l’action.
J’avais envie de témoigner de la qualité de son travail de Maire et de son intelligence pour mettre en œuvre le renouvellement urbain et la politique de la ville, de la passion qu’il transmettait lorsqu’on visitait avec ses collègues les réalisations et tout ce qu’il restait à faire.
J’avais envie de témoigner de sa profonde humanité, de sa générosité. Et c’est peu de le dire.
Mais j’ai eu aussi envie de témoigner de son impatience, j’allais dire son impatience tranquille et féconde, devant la lenteur à voir bouger les lignes, les pratiques, les orientations publiques.
J’avais en mémoire, comme beaucoup le beau discours qu’il avait prononcé à la tribune du congrès socialiste du Mans, le 18 Novembre 2005, à quelques semaines des tragiques émeutes de nos banlieues. J’ai voulu le relire et j’ai pris la mesure qu’il disait l’essentiel et qu’en dépit des acclamations qui suivirent cette intervention, l’essentiel n’a pas changé.
Alors pour moi, le meilleur hommage à rendre à Claude est bel et bien de rapidement prendre des décisions, dégager des moyens, réellement et pas formellement, à la hauteur de ces enjeux.
Je vous invite à relire son discours « lutter ensemble contre les injustices sociales et territoriales »

Le 27 octobre à 18 h 12, très exactement, trois jeunes clichois qui s’étaient réfugiés dans un transformateur haute tension, ont été électrocutés. Deux en sont morts, un troisième est très grièvement blessé. Dans les heures qui ont suivies, pour ne pas dire dans les minutes, les proches de victimes ces, les copains, les amis, les voisins, ont très rapidement, très brutalement, déclenché des violences urbaines à Clichy-sous-Bois, dont on sait maintenant que ces violences n’étaient que la première nuit d’une explosion qui a embrasé les banlieues et ébranlé la France.

Chers camarades, une explosion, c’est la rencontre entre une étincelle et une poudrière. Dans les commentaires qui ont suivi ces événements, on a beaucoup, quelquefois trop, parlé de l’étincelle. Aujourd’hui, je voudrais vous parler de la poudrière parce que cette poudrière renvoie à des problèmes de société qui nous concernent, nous, Parti socialiste, et particulièrement aujourd’hui dans ce congrès.

Qu’est-ce que c’est que cette poudrière ? Ce sont des quartiers ou même des villes entières, où une population concentre tous les problèmes sociaux de la société. Des problèmes d’ordre économique, social, culturel, laïcité. Tous ces problèmes, chez une même famille. Bref, des jeunes et des moins jeunes qui nous entendent parler tous les jours d’égalité, de fraternité, mais qui tous les jours vivent l’injustice sociale et l’inégalité, injustice sociale et inégalité à l’école, au logement, dans la recherche d’un emploi.

Voilà ce que c’est que cette poudrière. Comment la société française a-t-elle pu laisser se constituer et s’aggraver des poudrières de cette importance ? Je vais être un petit peu brutal, mais je considère aujourd’hui que la société française a un regard hypocrite sur ces ghettos de pauvreté.

Elle dit, la société française, comme Tartuffe : « Cachez ces banlieues que je ne saurais voir », et elle n’a jamais voulu vraiment mesurer la gravité de ces difficultés. Et pour être encore plus brutal, ces ghettos de pauvres en arrangent pas mal, parce que quand les pauvres sont là, ils ne sont pas ailleurs, et cela en arrange pas mal.

Nous devons maintenant nous concentrer sur la résorption, nous, socialistes, sur la résorption de ces ghettos de pauvreté, parce que je vais vous dire, je suis très inquiet. J’entends déjà qu’on a un retour à la normale. Alors déjà, quel terme honnête, le retour à la normale ! C’est le nombre de voitures brûlées dans la nuit, c’est-à-dire qu’on aura le retour à la normale quand il n’y aura que, chaque nuit, 150 voitures qui brûleront dans les banlieues.

Eh bien moi, je fais partie des gens qui disent que le retour à la normale ne peut être en aucun cas le retour à la situation antérieure. Ce n’est pas cela que nous demandons.

Comme François Pupponi, comme Gilbert Roger, je suis un militant de la politique de la ville. Et comme eux, je dis que, sans cette politique de la ville, l’explosion aurait été plus précoce et plus grave. Mais enfin, chers camarades, est-ce que ce n’est pas une illusion de vouloir que la politique de la ville, c’est-à-dire, ces queues de crédits aléatoires que le ministre de la Ville doit négocier âprement, et qui sont souvent la variable d’ajustement du budget de l’État, on peut les geler, on peut les retirer, est-ce que vous pensez vraiment que là aussi, ce n’est pas hypocrite de penser que la politique de la ville, dans ces crédits-là, avec ces politiques-là, soit suffisante pour régler les maux les plus importants et les plus graves de notre société française. Si nous voulons les résorber, il faut les résorber, bien entendu qu’il faut mobiliser les politiques et les moyens de droit commun d’une autre façon que ce qui a été fait. Comment peut-on expliquer, comment peut-on espérer résoudre le problème de l’échec scolaire, dramatique pour la société française, parce que jamais le déterminisme social n’a été aussi fort, jamais la société française ne s’est aussi enkystée, encastée, comment peut-on espérer régler ce problème de l’échec scolaire par de l’aide aux devoirs simplement ? Non, il faut mobiliser l’Éducation nationale, et il faut que l’État se mobilise, en particulier dans ses fonctions régaliennes. L’Éducation, la police, la justice, la santé et surtout l’aménagement du territoire, le logement, le désenclavement des quartiers, voilà les vraies solutions pour régler nos problèmes.

Je pourrais décliner beaucoup d’exemples, je voudrais en donner deux parce que c’est important. Nous avons des dotations de péréquations, dotations de solidarité urbaine. C’est une création d’un gouvernement socialiste, il faut en être fier.

Ces dotations de solidarité urbaine ont évolué, se sont améliorées, et elles permettent maintenant pas après pas, à des villes comme Clichy-sous-Bois, ou comme Sarcelles, d’avoir plus de moyens pour réaliser ces politiques de droit commun. Cette DSU est attaquée encore aujourd’hui par les politiques, par l’administration. La question que je pose à ce congrès, c’est est-ce que nous tous, ensemble, et au-delà de nos particularismes locaux, pour ne pas dire nos égoïsmes locaux, nous sommes prêts à défendre cette réforme fondamentale pour les banlieues pauvres ?

La deuxième question, c’est le logement social. L’article 55 de la loi SRU n’a pas d’effet pour l’instant. Les indemnités financières sont sans action. Alors, est-ce qu’on est prêt, nous, demain à demander à ce que les préfets puissent avoir le pouvoir d’imposer la construction de logement social, parce que les pénalités financières ne servent à rien. Enfin, dans quelle République nous vivons ? On sanctionne un maire parce qu’il a fait un mariage homosexuel, et on laisse un député-maire dire, en pleine réunion publique que jamais, non seulement jamais, il ne fera de logement social, mais en plus il s’en gargarise. Ne laissons pas cela impuni.

Chers camarades, ces inégalités territoriales, ces grandes zones d’injustice sociale constituent le cancer de la République. Le cancer, c’est le médecin qui vous parle, au début, cela évolue à bas bruit, cela ne fait pas mal, au début, c’est ce qui s’est passé. Et puis, un jour, cela fait mal, et quand cela fait mal, c’est déjà un peu tard.

Mais là, que cela a fait mal, mobilisons-nous pour les guérir, il faut absolument que le pacte républicain revienne et que nous luttions ensemble contre ces injustices sociales et territoriales.

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