Climat

Amendements au projet de loi Climat Résilience

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J’ai déposé hier midi une cinquantaine d’amendements au projet de loi dit de « lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ». Vous les retrouverez plus bas au format PDF.

Le gouvernement présente ce texte comme la traduction des propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC). Ainsi, selon lui, une cinquantaine des 149 mesures proposées auraient déjà été reprises par décret ou dans la loi de finances ; ce nouveau texte devrait en reprendre autant. Mais les ONG, comme de nombreux membres de la CCC, contestent les chiffres, estimant qu’un grand nombre de ces propositions destinées à réduire de 40% les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 ont été vidées de leur substance. Nous passerons ici sur la légèreté qui fut celle du Président de la République qui avait promis que TOUTES les mesures de la CCC seraient reprises SANS FILTRE : c’était imprudent, source évidente de déceptions à venir, et surtout c’était faire fi de notre démocratie représentative et du Parlement.

Las, le texte que le Parlement –  et aujourd’hui particulièrement le Sénat – est appelé à examiner est très décevant et ne répond pas à l’urgence climatique qui est devant nous.

  • Le CESE a ainsi estimé que « les nombreuses mesures du projet de loi, en général pertinentes, restent souvent limitées, différées, ou soumises à des conditions telles que leur mise en œuvre à terme rapproché est incertaine » et fait le constat que « beaucoup de mesures sont des ajustements de dispositions existantes ». Il a également regretté que « les évolutions en profondeur de domaines sensibles tel le transport aérien et le transport routier de marchandises soient subordonnées à la sauvegarde des modèles existants » et souligné tant l’absence de « cohérence » que le manque de moyens budgétaires.
  • Le Haut Conseil pour le Climat (HCC) a jugé, dans son avis du 23 février, que « le projet de loi n’offre pas suffisamment de vision stratégique de la décarbonation des différents secteurs émetteurs en France ». Il a par ailleurs rappelé́ que « les émissions ont baissé́ de 1,2 % par an en moyenne sur les cinq dernières années, alors que la diminution attendue devrait être de 1,5 % par an » entre 2019 et 2023, puis « de 3,2 % par an dès 2024 ». Or, l’avis pointe à cet égard dans le projet de loi des délais « manifestement incompatibles avec le rythme attendu de l’action contre le changement climatique et le rattrapage du retard pris par la France dans l’atteinte de ses budgets carbone ». Le HCC regrette ainsi que « de nombreuses mesures du projet de loi prévoient des délais allongés de mise en œuvre » avec des échéances à 2024, 2025, 2030 et appelle le Parlement à « raccourcir et clarifier les horizons temporels afin d’engager un rythme suffisant d’actions d’atténuation dans les différents secteurs ».
  • Le Conseil national de la Transition écologique s’est enfin inquiété « de la baisse insuffisante des émissions de gaz à effet de serre induite par cette loi » et a demandé de « mobiliser les moyens, leviers d’action et outils de politiques publiques nécessaires ». Il a regretté en particulier « l’insuffisance du soutien financier apporté par l’État à l’effort de rénovation » et que « les budgets publics, en constante diminution, ne soient pas à la hauteur des enjeux ». Il s’est interrogé également « sur la baisse des moyens à disposition de tous les organismes du secteur du logement social pour répondre au “mal logement” comme à la rénovation performante du parc existant, et sur les réductions d’effectifs opérées ces dernières années et en cours dans les services régionaux ou départementaux de l’État (DREAL, DDT, DDCS, DDPP…) et dans ses operateurs concernés (ADEME, ANAH, CEREMA…), chargés avec les collectivités locales d’animer, soutenir et suivre les actions de rénovation. »

On a le sentiment très net de refaire le match sur un certain nombre de sujets de lois qui ont déjà été débattues récemment : la loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire et pour l’économie circulaire, la Loi d’Orientation des Mobilités, la loi Egalim, et plusieurs dispositions récentes de loi de finances. Beaucoup d’objectifs sont par ailleurs soient trop imprécis pour être traduits efficacement et ceux qui le sont ont malheureusement une portée assez limitée. Aucune ressource nouvelle n’est créée pour financer la transition écologique et aucun moyen budgétaire nouveau n’est fléché, ce qui reste un problème majeur dans le contexte de rétraction des moyens de l’Etat et de la baisse des effectifs du ministère de la transition écologique. Pourquoi par exemple ne pas rétablir l’ISF pour financer un effort pour la rénovation énergétique ? Pour le financement des transports collectifs ? Quid du CICE (et des baisses de cotisations sociales qui l’ont remplacé) que les « gilets jaunes » souhaitaient supprimer ou pour le moins conditionner ?

En réalité, le gouvernement n’inscrit pas son action dans la perspective d’une transformation sociale et écologique d’ampleur et fait fi de l’inadaptation de l’économie de marché et des règles du commerce mondial aux exigences de transition écologique et sociale.

Les outils de puissances publiques, que sont par exemple la SNCF ou EDF, ne sont aucunement utilisés ou pensés comme des leviers, alors que la relance du transport de marchandise par le fret ferroviaire est indispensable. De même, la maîtrise publique des outils industriels dans les secteurs à forte émission de gaz à effet de serre seraient un gage de progression important et d’une stratégie démocratiquement définie.

Au fond, on a le sentiment d’une liste à la Prévert de « mesurettes », parfois dénuées de cohérence entre elles, qui ne permettront pas d’atteindre les objectifs affichés, alors même que cette ambition a été relevée par la commission européenne par un objectif de 55% de baisse des émissions de gaz à effet de serre.

Certes, ce texte comporte un certain nombre d’améliorations après le passage à l’Assemblée  : un menu végétarien hebdomadaire pour toute la restauration scolaire publique et privée et en option partout où l’Etat est responsable ; élargissement de la prime à la conversion pour l’achat d’un vélo à assistance électrique en remplacement d’un vieux véhicule ; intégration des poids-lourds dans l’objectif de fin de vente des véhicules utilisant majoritairement des énergies fossiles en 2040 ; une amélioration concernant la « programmation » des aides publiques à la rénovation énergétique… Ce sont là des mesures utiles et sympathiques, mais qui sont incapables de changer la donne : le compte n’y est pas …!

Quelques exemples :

  • Le projet de loi ne reprend pas l’obligation de rénovation globale de l’ensemble des logements dès 2024 ;
  • Le texte n’interdit pas les passoires thermiques, seulement leur mise en location, et encore à un horizon trop lointain et la réforme de la classification de la performance énergétique réduit à néant tout progrès ;
  • Si le texte émet un principe général d’interdiction de nouveaux centres commerciaux qui entraîneraient une artificialisation des sols, de trop nombreuses dérogations sont possibles pour des surfaces de vente inférieures à 10.000 m² et ne concerne pas le e-commerce. Or, ce sont 80% des projets de surfaces commerciales qui se situent au-dessous de ce seuil ;
  • La suppression des niches fiscales favorable aux énergies fossiles n’est qu’un vague objectif ;
  • Rien n’est prévu pour concrétiser les annonces d’Emmanuel macron concernant les petites lignes, le fret ferroviaire et les trains de nuit ;
  • Aucune ressource nouvelle pour les infrastructures n’est créée, si ce n’est une expérimentation régionale d’une écotaxe, détournée de sa vocation première de financement de l’AFITF. Il s’agissait pourtant d’une demande des 150 membres de la CCC, comme de la plateforme revendicative commune des « gilets jaunes » ;
  • L’introduction d’une éco-contribution renforcée sur les billets d’avion ne figure pas dans le projet de loi ;
  • L’interdiction de la réclame pour les produits polluants, comme les SUV, ne figure pas dans le projet de loi, à l’exception de celle en faveur des énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz) ;
  • Le chèque alimentaire promis par Macron s’est transformé en simple rapport ;
  • La proposition de la convention de mettre en place une éco-conditionnalité des aides publiques (et pas seulement le plan de relance) basée sur un bilan carbone, avec un bonus pour les entreprises ayant un bilan positif et « un malus (au prorata des bénéfices) pour les entreprises ayant une évolution nulle ou négative de ce bilan », ne figure pas sous cette forme dans le texte ;
  • Notons enfin un point de grande inquiétude avec la refonte du code minier prévu par une simple habilitation
  • A l’appui de ce texte, aucune remise en cause des accords de libre échange qui favorise le dumping social et environnemental n’est évidemment envisagée.

Plus fondamentalement, alors que la CCC était censée être une réponse au grand débat national et donc aux « gilets jaunes », ce texte ne contient aucune mesure sociale et n’articule pas enjeux sociaux et environnementaux, performance écologique et services publics. Pourtant, nos concitoyens les plus fragiles sont bien les plus touchés par les enjeux écologiques, victimes de la malbouffe, de l’insalubrité des logements ; vous commencez mon engagement sur le logement : nombre de mes amendements porteront sur le sujet. La conscience de la corrélation des enjeux sociaux et environnementaux est désormais bien comprise par nos concitoyens. Mes amendements et ceux du groupe CRCE tenteront donc de combler cette lacune : lier les mesures de la convention citoyenne en les charpentant autour d’un projet de société de transition en rupture avec l’ordre existant.

En l’état, le projet de loi ne peut pas recevoir notre approbation ; nous verrons l’évolution du débat parlementaire sans beaucoup d’illusion cependant.

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