Fonction Publique

Ordonnances et Haute Fonction Publique : le Parlement doit être respecté !

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Je suis intervenue mercredi 6 octobre en fin de journée au Sénat.

Le Gouvernement a décidé pour réformer la haute fonction publique de recourir à la procédure des ordonnances. Cette procédure lui permet de modifier ce qui relève du domaine de la loi en limitant le débat parlementaire à une discussion a posteriori lors d’une loi de ratification du contenu des ordonnances. En soi, cette procédure de la Ve République affaiblit le Parlement dont la fonction première est de débattre publiquement et de voter la loi.

Or deux décisions scandaleuses du Conseil constitutionnel de mai et juillet 2020 sont venues affaiblir encore le Parlement : elles ont donné une valeur légale aux ordonnances, dont la procédure de ratification n’a pas été présentée au Parlement dans les délais, alors que la Constitution impose pourtant une ratification expresse par le Parlement (art. 38). Cela permet ainsi au gouvernement de modifier la loi par voie d’ordonnance sans que le contenu de ces ordonnances n’ait été ratifié par le Parlement. C’est une atteinte grave au fonctionnement démocratique de nos institutions et à la séparation des pouvoirs.

Par ailleurs, ces ordonnances spécifiques à la haute fonction publique ne répondent en rien aux enjeux de la période et ne traitent pas le sujet : elles ne garantissent pas l’indépendance nécessaire des hauts fonctionnaires dans le but qu’ils assurent la continuité de l’Etat dans la durée ; elle ne traitent pas la question de leur indépendance et de leur protection face aux lobbies et aux puissances économiques.

***

Compte rendu intégral :

L’ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique de l’État est ratifiée.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l’article.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Madame la ministre, vous nous demandez d’exprimer une vision. Mais alors, il fallait présenter un projet de loi, parce que la haute fonction publique et son avenir exigent une loi globale, qui soit l’occasion de clarifier, de débattre et de rendre lisible aux Français ce que l’on fait. En effet, ces derniers n’ont rien compris à votre histoire, en particulier s’agissant des mutations. Tout cela est hypertechnique et, dans bien des cas, selon moi, dangereux. Vous nous expliquez maintenant qu’il fallait faire des contre-propositions ! Pour ma part, mes chers collègues, je ne vote jamais, sauf cas rarissime, les habilitations à légiférer par ordonnances. Le Parlement doit se faire respecter ; il faut dire non ! Nous ne l’avons pas fait. Désormais, avec le principe selon lequel la non-ratification fait loi, qui a été validé, nous sommes totalement dépossédés de notre pouvoir, y compris pour modifier ce que contient l’ordonnance. J’approuve la démarche visant à mettre les pieds dans le plat : on ne peut pas accepter cette méthode, qui est d’ailleurs révélatrice du contenu de la réforme. Pour ma part, je suis pour une haute fonction publique qui soit indépendante et neutre, mais qui ne soit pas un État dans l’État. Pour ce faire, elle ne doit être ni soumise, de manière abusive, au pouvoir de l’exécutif, ni ignorante de l’importance du Parlement et des partenaires sociaux dans l’élaboration des réflexions et des solutions. Or, justement, plus notre système institutionnel dévalorise le Parlement, plus votre culture du spoil system s’applique pour les hauts fonctionnaires, moins ceux-ci sont en respiration avec la réalité de ce pays, moins ils sont porteurs, dans la durée, d’une certaine complexité, entre la nécessité d’être efficaces, mais aussi de suivre la ligne politique du Gouvernement et de prendre en compte l’inscription dans le temps de ce qu’est l’État, qui n’est pas seulement un instrument aux mains du Gouvernement. Enfin, le sujet majeur n’est pas traité, à savoir l’indépendance des hauts fonctionnaires par rapport aux lobbies et aux puissances économiques. Lors de l’examen de la loi de séparation et de régulation des activités bancaires, je me suis aperçue que 70 % des hauts fonctionnaires ayant œuvré sur ce texte travaillaient dans les grandes banques.

Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce sujet central n’est pourtant jamais traité ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

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